Denis Macé
Reigles tres-faciles pour apprendre
en peu de temps le Plein-Chant
Paris, Par Robert Ballard, 1652 (réimpr. 1664)

Pour citer cette page :
Xavier Bisaro, “Reigles tres-faciles pour apprendre en peu de temps le Plein-Chant (1652-1664)”, Cantus Scholarum, <https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/ressources/sources/methodes-faciles-de-plain-chant/reigles-1664/> [publié le 2 novembre 2014], consulté le 16 avril 2024.

L’auteur

Denis Macé (v. 1600 – après 1664) était un de ces maîtres de musique parisiens connus pour leurs chansons et airs publiés, et prisés pour les leçons de chant qu’ils dispensaient auprès d’élèves amateurs issus de milieux choisis. Cette condition ne l’éloignait pas a priori de la musique d’église : Nicolas Métru, autre maître de musique à qui Massé est associé par Annibal Gantez dans son Entretien des musiciens (1643), publiait lui aussi des airs de cour tout en étant organiste de Saint-Nicolas-des-Champs à Paris.

Le premier tirage de ces Reigles (1652) est dédié à Philibert de Brandon l’année même de la mort de ce conseiller d’État, marié à une nièce du chancelier Séguier avant de se tourner vers l’état ecclésiastique et de devenir évêque de Périgueux en 1648. Le maintien anachronique de l’épître dédicatoire à ce personnage disparu en 1664 laisse penser que le nouveau tirage ne résulte pas d’une démarche personnelle de Macé, mais bien de l’avantage que Robert Ballard devait trouver dans la diffusion de cet ouvrage. D’ailleurs, les deux tirages s’inscrivent dans une période d’intérêt marqué de la part de Ballard à l’égard du plain-chant. Outre l’impression d’une autre méthode (Bouillon, Instruction ou Méthode facile pour apprendre le Plain-chant, 1654), Ballard entame au cours des années 1650 sa collaboration avec Guillaume-Gabriel Nivers qui débouchera en 1658 sur la parution d’un Graduale romano-monasticum. En agissant de la sorte, il n’est pas impossible que Robert Ballard ait souhaité consolider sa position face à son concurrent Jean de La Caille qui, à la même époque, diffusait lui aussi des livres de chant (au moins un Antiphonarium romanum en 1659) et une méthode (Louis Paschal, Briefve instruction pour apprendre le plain-chant, 1658).

Contenu

Les Reigles sont prioritairement adressées par Macé tant “aux Prestres seculiers, qu’aux personnes religieuses, dont la profession demande une actuelle residence au service divin”. Pointant les mêmes difficultés que la plupart des auteurs de méthode de plain-chant au XVIIe siècle (difficulté fastidieuse des règles à apprendre, longueur du temps à y consacrer, risque de dégoût chez les débutants), Macé expose une méthode au format concis, organisée en 19 brèves “reigles” seulement. Habitué à négocier son savoir, Macé profite de ce choix pédagogique pour solliciter discrètement de futurs élèves :

Les autres Reigles sont (à mon advis) d’assez facile intelligence, sans m’arrester à les esclaircir plus au long : Mais si par advanture il se rencontre quelqu’un qui trouve de la difficulté dans ce Traicté, il me fera plaisir & honneur d’en confere avec moy1Macé, Reigles…, Avant-propos..

Malgré cela, Macé débute ses Reigles par les principes de la solmisations traditionnelle (exemple 1), seulement tempérés par la réduction du système à deux hexacordes au lieu de trois (première règle). De fait, sa méthode se trouve largement dédiée aux arcanes de la solmisation, et il faut attendre la onzième règle pour aborder d’autres aspects de l’enseignement du plain-chant.

Reigles-Gammeex. 1 – Macé, Reigles… (f° 4r)

Les règles 13 à 17 portant sur les changements de clefs, deux articles seulement abordent des aspects de l’apprentissage qui ne soient plus liés au nom des cordes ou à la notation. Dans la onzième règle, Macé prend le parti (minoritaire chez les théoriciens) des tenants d’une égalité absolue des notes même s’il expose la pratique dominante de différenciation entre brèves et semi-brèves :

Toutes ces marques quarrées és Antiennes & Responds cy-dessus, generalement au Plein-Chant avec queüe ou sans queüe, sont appellées nottes, & les faut chanter d’une mesme valeur, excepté celles qui sont rondes [i.e. losanges], qu’il faut faire un peu plus breves, & servent pour observer la quantité quant à présent. Et neantmoins és Eglises Cathedrales, & quelques autres, on les observe toutes d’une mesme longueur, tant carrées que rondes. Et pour moy je tiens que le Plein-Chant en est mieux chanté 2Macé, Reigles…, f° 9r..

Quant à la dix-neuvième et dernière règle, elle se contente de rappeler que l’application des textes aux mélodies doit s’opérer en se rappelant le nom des notes chantées (“en s’imaginant chanter les nottes”).

Contrairement à la plupart des méthodes de plain-chant, Macé ne propose pas de développement sur les tons ecclésiastiques, ni aucun des exercices élémentaires destinés à s’initier au chant des intervalles. Il n’est donc pas étonnant que la détentrice de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque Sainte-Genevière (probablement, cette “Anne Angelique de Saincton dite de saincte Ursulle” ayant inscrit son nom le 8 juillet 1669) ait eu besoin d’ajouter, ou de faire ajouter par son maître de musique ces exercices en ouverture de la méthode (exemple). Tout en adoptant le principe habituel de succession décomposition-recomposition de l’intervalle (ut re mi, ut mi) en montant puis en desendant par intervalles et degrés successifs, ce solfège présente deux singularités :

1) il respecte les limites de la voix à laquelle il est destiné : plus on monte dans les degrés de transposition des intervalles, plus ceux se réduisent (l’octave est atteinte à partir d’ut et , mais la sixte seulement à partir de mi, la quinte pour fa, sol et la, puis la quarte à partir de si) ;

2) les exercices sont destinés à être enchaînés d’une traite, ainsi qu’en témoignent les formules de liaison d’une série à l’autre (dans l’exemple 2, cf. le début de la 5ème ligne facilitant le passage de l’ut aigu au grave, nouveau point de départ pour l’énoncé des intervalles).

Reigles-exercicesex. 2 – Macé, Reigles… (non paginé)

(X. Bisaro, novembre 2014)

Avant-propos f° 3r
Premiere Reigle – Seconde Reigle – Troisieme Reigle f° 4v
Quatrieme Reigle – Muances du [B]quarre, Cinquiesme Reigle f° 5r
Sixiesme Reigle f° 5v
Septiesme Reigle f° 6r
Huictiesme Reigle f° 7r
Muances du [B]mol, Neufiesme Reigle f° 7v
Dixiesme Reigle f° 8r
Unziesme Reigle f° 9r
Douziesme Reigle – Des changements de clefs, Treiziesme Reigle f° 9v
Quatorziesme Reigle f° 9v
Quinziesme Reigle f° 10r
Seiziesme Reigle f° 10v
Dix-septiesme Reigle f° 10v
Explication pour les muances, Dix-huictiesme Reigle f° 11r
Pour apprendre à chanter les paroles sous les nottes, Dix-neufiesme & derniere
Reigle
f° 11v

 

  • sources principales

La première édition de 1652 n’est attestée que par l’exemplaire conservé à la Bibliothèque municipale de Châlons-en-Champagne, sous la cote AF 18188. Il est inclus dans un recueil factice comprenant également les méthodes de Drouaux et de Nivers (notice descriptive).

Le seul exemplaire actuellement répertorié de la réimpression des Reigles en 1664 est conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, sous la cote Vm 188 Rés. (version numérisée consultable au CESR).

  • sources complémentaires

Macé, Denis, Cantiques spirituels composez par le V. P. Irénée d’Eu… mis en musique par Denis Macé, Paris, Ballard 1639 (ici) – 2ème édition en 1648 (ici).

  • bibliographie

Durosoir, Georgie, L’air de cour en France (1571-1655), Liège, Mardaga, 1991, p. 291-292.

Leconte, Thomas, Catalogue des airs de Denis Macé (ca 1600-apr. 1664), coll. Cahiers Philidor, Versailles, Centre de Musique Baroque de Versailles, 2003.

Autour du sujet

Briefve instruction pour apprendre le plain-chant (1658)

Instruction méthodique pour l’école paroissiale (1669)

Nouvelle Methode tres-seure et tres-facile pour apprendre parfaitement le plein chant (1669)

Notes   [ + ]

1. Macé, Reigles..., Avant-propos.
2. Macé, Reigles..., f° 9r.