Philippe Fornas
Nouvelle methode pour apprendre le plain chant
en fort peu de jours
Lyon, Chez la Veuve de Pierre Muguet, 1657

Pour citer cette page :
Xavier Bisaro, “Nouvelle methode pour apprendre le plain chant (1657)”, Cantus Scholarum, <https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/ressources/sources/methodes-faciles-de-plain-chant/fornas-1657/> [publié le 30 juillet 2015], consulté le 20 avril 2024.

Contexte de publication

Philippe Fornas devait être un jeune prêtre en attente de bénéfice au moment où il publia sa Nouvelle methode en 1657. Le dédicataire de l’ouvrage était son oncle, Philippe Roussy, curé de la paroisse de Lacenas (ancien diocèse de Lyon)1La paroisse de Lacenas est connue des historiens des dissidences catholiques pour avoir eu comme curé au XVIIIe siècle Claude Germain, partisan du mouvement des convulsionnaires. Cf. Jean-Pierre Chantin, Les amis de l’œuvre de la Vérité : jansénisme, miracles et fin du monde au XIXe siècle, Lyon, Presses de l’Université de Lyon, 1998. et personnalité suffisamment importante pour avoir été pressenti comme confesseur de la reine Anne d’Autriche2Philippe Fornas, Nouvelle methode pour apprendre le plain chant en fort peu de jours, Lyon, Chez la Veuve de Pierre Muguet, 1657, p. 4.. Quant à Fornas lui-même, il s’affiche sur la page de titre comme “Francopolitain”, néologisme latinisant signifiant qu’il était originaire de Villefranche-sur-Saône, ville située à quelques lieues à l’est de Lacenas. Il succèdera à Philippe Roussy comme curé de Lacenas à partir de 16623Pour cette phase de sa carrière, cf. la notice sur son Art du plain-chant..

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Sa Nouvelle methode est conçue “pour la commodité [des] Ecclesiastiques4Fornas, Nouvelle methode…, op. cit., p. 5. Cette vocation fut invoquée par la veuve de Pierre Muguet dans sa sollicitation d’un privilège d’édition pour cette méthode ; cf. l’extrait du privilège reproduit sur la dernière page.” et, par rapport à son Art du plain-chant (1672), Fornas s’y montre nettement moins prolixe : une trentaine de pages lui suffisent pour exposer les principes essentiels du chant ecclésiastique, ce qui à probablement épargné à Fornas de découper son manuel en chapitres. Cette concision correspond à l’ambition résumée dans le titre : faisant suite à la Methode universelle tres brieve et facile d’Adrien Cocquerel (1647) et à l’Instruction ou Méthode facile de François Bouillon (1654), la Nouvelle methode de Fornas entend réduire la durée de l’apprentissage à “fort peu de jours”. Pourtant, hormis sa pagination ramassée, aucun dispositif adapté à cet objectif ne vient caractériser cette méthode. L’ouvrage s’ouvre sur le tableau de la “Game du plain chant” présentant parallèlement les “lettres” et les syllabes des trois hexacordes, préalable à une explication de la solmisation hexacordale plus longue sur que dans l’Art du plain-chant. Une fois assimilé l’enchaînement des six marches de l’hexacorde, Fornas propose à ses lecteurs de procéder par eux-mêmes pour parvenir à chanter les intervalles, à la manière des techniques employées au stade des rudiments de calcul mental :

il faut chanter comme depuis ledit (ut) jusques à celle [la note] de qui vous voulez sçavoir le ton, & par apres obmettre les tons de celles qui sont par le milieu, & ne dire que ceux que vous cherchez, supposé que vous les ayez observez5Fornas, Methode nouvelle…, op. cit., p. 12

Après cette première partie réservée à l’identification et à la lecture des notes, Fornas poursuit en introduisant la notation musicale (exemple 1) pour des exercices sur les intervalles (a), une description des huit tons psalmodiques (b), des exemples pour s’accoutumer aux muances (c) et des répons pour mettre en œuvre l’ensemble des consignes (d).

(a)

(b)

 

(c)Fornas1657-p.21


(d)Fornas1657-p.24

 

 

ex. 1 – Fornas, Nouvelle methode… (p. 14 [a], 15 [b], 21 [c] et 24 [d])

La notation des exemples psalmodiques (exemple 1b) mérite d’être commentée. Quel que soit le ton, la conduite prosodique n’est aiguillée par aucune indication hormis la barre marquant la médiation du verset, alors que l’imprimeur de la méthode de Fornas était en capacité d’inclure des valeurs de notes différenciées (cf. exemple 1d comportant des semi-brèves non pour marquer l’allègement de syllabes non accentuées, mais sous l’aspect du climacus.). Il faut en déduire que la transcription des accents du texte dans le chant n’était pas indispensable aux yeux de Fornas, soit parce que sa notation enregistrait des conduites vocales effectivement indifférentes à la tonicité du latin, soit parce que Fornas considérait comme évidente l’accentuation minimale à laquelle les utilisateurs ecclésiastiques de sa méthode étaient vraisemblablement accoutumés. En revanche, si son Art du plain-chant repose sur les mêmes caractères typographiques que sa Nouvelle methode, Fornas choisit d’y introduire des semi-brèves d’allègement syllabique pour les exemples psalmodiques (exemple 2) ainsi que pour les antiennes.

Fornas1672-p.24ex. 2 – Fornas, L’Art du Plain-chant (p. 22)

Comme pour son Art du plain-chant, Fornas ne mobilise aucune référence extérieure à sa propre écriture hormis la mention fugace des “premiers maistres de plain-chant, & de S. Gregoire mesme6Fornas, Nouvelle methode…, op. cit., p. 11.“. On ne peut que deviner l’étendue des connaissances et de la pratique de cet ecclésiastique au travers d’allusions telle celle relative au bémol à la clef “comme il appert assez souvent dans la musique7Fornas, Nouvelle methode…, op. cit., p. 7.“. Il semble donc que la Nouvelle methode de Fornas soit le produit d’une culture mêlant notions élémentaires (solmisation hexacordale, définitions des tons ecclésiastiques) et empirisme “professionnel” d’un prêtre séculier non dénué d’intérêt pour la musique.

(X. Bisaro, juillet 2015)

Notes   [ + ]

1. La paroisse de Lacenas est connue des historiens des dissidences catholiques pour avoir eu comme curé au XVIIIe siècle Claude Germain, partisan du mouvement des convulsionnaires. Cf. Jean-Pierre Chantin, Les amis de l’œuvre de la Vérité : jansénisme, miracles et fin du monde au XIXe siècle, Lyon, Presses de l'Université de Lyon, 1998.
2. Philippe Fornas, Nouvelle methode pour apprendre le plain chant en fort peu de jours, Lyon, Chez la Veuve de Pierre Muguet, 1657, p. 4.
3. Pour cette phase de sa carrière, cf. la notice sur son Art du plain-chant.
4. Fornas, Nouvelle methode..., op. cit., p. 5. Cette vocation fut invoquée par la veuve de Pierre Muguet dans sa sollicitation d'un privilège d'édition pour cette méthode ; cf. l'extrait du privilège reproduit sur la dernière page.
5. Fornas, Methode nouvelle..., op. cit., p. 12
6. Fornas, Nouvelle methode..., op. cit., p. 11.
7. Fornas, Nouvelle methode..., op. cit., p. 7.
Game du plain chant (p. 6)
Instruction pour le Plain-Chant (p. 7-13)
S’ensuivent les tons (p. 13-14)
Practique de ce que de dessus (p. 14-34)

Philippe Fornas, Nouvelle methode pour apprendre le plain chant en fort peu de jours, Lyon, Chez la Veuve de Pierre Muguet, 1657.

Philippe Fornas, L’Art du plain-chant, Lyon, Chez Michel Mayer, 1672.

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