Jacques Doublet
Le Guidon du plain-chant
Saint-Brieuc, Par Guillaume Doublet, 1649

Pour citer cette page :
Xavier Bisaro, “Le Guidon du plain-chant (1649)”, Cantus Scholarum, <https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/ressources/sources/methodes-faciles-de-plain-chant/le-guidon-du-plain-chant-1649/> [publié le 1 octobre 2014], consulté le 27 juillet 2024.

L’auteur de cet ouvrage – un chanoine du chapitre de la collégiale Saint-Guillaume de Saint-Brieuc à ne pas confondre avec le célèbre historien bénédictin Jacques Doublet (1560-1648) – s’inscrit en introduction de son Guidon dans une logique diocésaine. Dédié au scrupuleux évêque de Saint-Brieuc, Denis de La Barde, ce Guidon entend surtout favoriser l’apprentissage par le clergé local des principes du plain-chant (d’où l’insertion des tons pour le chant de l’épître et de l’évangile à la messe), clergé qui allait bientôt bénéficier de la fondation d’un séminaire diocésain (1664). Cet ouvrage constitue un des premiers exemples de “méthodes faciles” au XVIIe siècle, et un rare cas de méthode réalisée en province alors que la production en la matière reste concentrée à Paris.

Le Guidon a été confectionné par Guillaume Doublet qui, hormis son privilège d’imprimeur de l’évêque, semble avoir eu l’habitude de collaborer avec des chanoines des chapitres de la ville1Sur la dynastie d’imprimeurs Doublet, cf. Anne Lejeune (éd.), Les Doublet-Prud’homme : une famille d’imprimeurs briochins, XVIIe-XXe siècles, Saint-Brieuc, Archives départementales des Côtes-d’Armor, 2001.. Ainsi publia-t-il Les Hymnes et cantiques de l’Église, traduits en vers françois sur les plus beaux airs de ce temps (1625) d’Auffray Pluduno, chanoine de la cathédrale.

Cette méthode aborde essentiellement les subtilités de la solmisation, la Gamme initialement présentée avec force explications ne recourant pas au si (figure 1). Jacques Doublet la pratiquait très vraisemblablement auprès des élèves qu’il dit lui-même avoir initié au plain-chant. L’empreinte de cette technique de lecture des notes est telle qu’elle justifie, selon Doublet, la lenteur du plain-chant (ici non corrélée à un éthos particulier) :

Troisiémement, il faut chanter fort posément, afin d’avoir le loisir de concevoir l’idée & le souvenir des Notes, & de dire le Texte dans ce ton duquel on se souvient2Jacques Doublet, Le Guidon du plain-chant, Saint-Brieuc, Par Guillaume Doublet, 1649, “Comment il faut mettre le texte sur la Note”, p. 51..

Le caractère archaïsant de ce système est renforcé par la gaucherie des exemples gravés, apparemment en une seule pièce et non par le biais de caractères mobiles. En revanche, Doublet décrit précisément l’allègement de la prosodie latine qui tendait à se généraliser dans les livres de plain-chant au XVIIe siècle :

Sixiémement, il faut sçavoir qu’il y a une certaine sorte de Notes qui sont en ovalle, qui ne portent point syllabe, & qui sont tousjours liées avec une carrée, & se doivent cha[n]ter sur une mesme syllabe ; sinon que l’on en met tousjours une d’icelles sur les syllabes qui se doivent prononcer breves, comme sur le mi de Dominus3Ibid., p. 48-49..

Ce manuel s’achève sur un exposé des tons de psalmodie et de cantillation de l’épître et de l’évangile à la messe. Sa simplicité d’ensemble n’empêche pas Doublet de dispenser des conseils non sans saveurs, parmi lesquels ce principe que les praticiens savent être essentiels :

Le seconde chose que je remarque dans le Chant, c’est qu’il faut que celuy qui chante soit le Texte ou la Note, aye l’esprit en repos, & tranquille : & pour lors il est bon d’estre Stoïcien, pour chasser de son esprit, entr’autres passions, celles de la Tristesse, & de la peur, qui sont les plus nuisibles à un Chantre4Ibid., p. 51..

(X. Bisaro, novembre 2014, révisé en septembre 2016)

Fig. 1 – Doublet, Le Guidon… ([p. 5])

Notes   [ + ]

1. Sur la dynastie d'imprimeurs Doublet, cf. Anne Lejeune (éd.), Les Doublet-Prud'homme : une famille d'imprimeurs briochins, XVIIe-XXe siècles, Saint-Brieuc, Archives départementales des Côtes-d'Armor, 2001.
2. Jacques Doublet, Le Guidon du plain-chant, Saint-Brieuc, Par Guillaume Doublet, 1649, "Comment il faut mettre le texte sur la Note", p. 51.
3. Ibid., p. 48-49.
4. Ibid., p. 51.

p. 5-7 La Gamme
p. 9-11 Ce que c’est que le Plain Chant – chapitre premier
p. 11-15 Pourquoy je mets un Fa au commencement de ma Game, & que je dis, E fa mi la – chapitre II
p. 15-19 Comment il faut apprendre à déconter – chapitre III
p. 20-26 Comment il faut apprendre à cognoistre le vray nom des Notes – chapitre IIII
p. 26-30 De la premiere sorte de Mûance – chapitre V
p. 30-33 De la seconde sorte de Mûance dans la Clef de C sol ut fa – chapitre VI
p. 34-36 De la troisiéme sorte de Muance. Premiere Sorte de Muance dans la Clef de Nature, autrement de F ut fa – chapitre VII
p. 36-40 De la quatrieme sorte de Muance. Seconde sorte de Muance dans la Clef de
Nature, autrement de F ut fa – chapitre VIII
p. 41-43 De la cinquiesme sorte de Muance. Premiere sorte de Muance dans la Clef de C sol ut fa, lorsque le signe de Bemol est apposé avec elle – chapitre IX
p. 44-[45] De la sixiéme & derniere Muance. Seconde Muance sous le signe de Bemol, posé avec la Clef de C sol ut fa – chapitre X
p. [46]-50 Comment il faut mettre le Texte sur la Note – chapitre XI
p. 51-52 Remarques particulieres sur le Plain-Chant – chapitre XII
p. 53-64 Des huict tons – chapitre XIII
p. 64-67 Comment il faut apprendre à cognoistre les Tons – chapitre XIV
p. 68-71 Comment il faut chanter l’Epistre, & l’Evangile – chapitre XV

Jacques Doublet, Le Guidon du plain-chant, Saint-Brieuc, Par Guillaume Doublet, 1649.

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